Ostende, d'après James Ensor

Denis Savary est un artiste véritablement polymorphe : il ne se définit pas par une technique unique de prédilection ni par un style immédiatement reconnaissable. A l’image de cet étrange, et légèrement inquiétant, moulage de masque de carnaval posé sur une longue banquette, ses œuvres excitent l’imaginaire du spectateur et se lisent comme un conte. Elles se décryptent petit à petit comme un tableau à clés.

Chaque œuvre revêt une aura de mystère, par la mise en scène très travaillée autant que par les multiples références dont elle recèle. Certaines sources d’inspiration s’avèrent très personnelles et cachées, connues de l’artiste seul, d’autres sont puisées dans un vaste champ culturel où les traditions populaires et l’histoire de la peinture, comme ici, occupent une place de choix tout comme la littérature. La genèse de cette scène est, à cet égard, représentative d’autres de ses créations, fruit d’une rencontre ou parfois d’un simple hasard. Suite à une visite de la maison-musée de l’artiste surréaliste belge, James Ensor, à Ostende, Denis Savary est intrigué par un masque de carnaval posé sur un meuble.

Il reprend à son compte ce motif du masque, cher aux deux artistes, mais le détourne, le moule dans une matière plastique blanche, luisante et spectrale : son nez démesuré semble imprimer la forme oblongue à la banquette. Cet attribut grotesque n’est pas dénué de connotations sexuelles. Le divan de Freud, et le monde des rêves, des cauchemars et des pulsions, n’est pas loin.