Genevoise ou dix-décimes

En 1794, la nouvelle pièce d’argent de la Genève révolutionnaire aurait dû porter le nom traditionnel d’« écu ». Mais les représentants des idées nouvelles veulent proscrire jusqu’à ce mot qui vient de l’héraldique et évoque les privilèges de la noblesse. La monnaie s’appellera désormais « Genevoise » d’après le portrait de la République qui figure sur l’avers.  Sur cette pièce, la devise de Genève est traduite du latin en français, pour qu’elle soit compréhensible de tous. Types et légendes sont conçus pour rappeler que « la seule honorable origine de la propriété est le travail » et pour inspirer cet « esprit de concorde et de fraternité » qui est l’idéal révolutionnaire. Ce système décimal a cependant été très mal étudié. Il ne correspondait pas au numéraire des états voisins et nuisait dès lors au commerce, principale source de revenus des Genevois. Et dans la Cité, il était complètement détaché des prix pratiqués. Ainsi la pièce de deux-quarts qui était sous l’Ancien-Régime la plus utilisée pour les menus achats, correspondait, dans le nouveau système, au 1/3 du centime, mais on n’avait prévu de frapper que des 1/4 de centime ! Faute de pièces appropriée, les petits prix auraient dû soit baisser d’un tiers (ce que ne voulaient pas les commerçants) soit monter de 50 %, ce que ne voulaient bien évidemment pas la population. On retourna donc à l’ancien système des florins moins de quatre mois plus tard, après avoir déjà frappé 12'000 genevoises !